LOPHOPHORIENS

LOPHOPHORIENS
LOPHOPHORIENS

Le nom de Lophophoriens s’applique en zoologie à divers groupes d’animaux invertébrés marins ou parfois d’eau douce, sédentaires et même fixés, qui ont en commun une symétrie bilatérale et une «houppe» de tentacules ciliés formant autour de la bouche une couronne ou lophophore, un tube digestif incurvé en une anse dont les deux branches, l’une descendante (œsophagienne), l’autre montante (intestinale et rectale), sont placées dans le plan médiosagittal, de telle sorte que la région morphologique dorsale comprise entre la bouche et l’anus est très courte, tandis que la face morphologiquement ventrale est fortement dilatée et contient tous les organes. Ils sont dérosomes.

Les Kamptozoaires (Endoproctes), les Phoronidiens, les Bryozoaires ou Polyzoaires (Ectoproctes), les Brachiopodes répondent à cette définition et sont dits lophophoriens. Pour les mêmes raisons doivent être dits lophophoriens les Ptérobranches et les Entéropneustes, surtout les Balanoglosses, eux-mêmes affiliés aux Échinodermes, dont les formes primitives fixées ont un véritable lophophore, qui est à l’origine du système aquifère.

Cet ensemble est cependant disparate, car ces groupes zoologiques appartiennent à des embranchements distincts plutôt qu’à des classes d’un même embranchement.

1. Classification

Les zoologistes rangent ces animaux en deux grands phylums irréductibles l’un à l’autre. Les Kamptozoaires, les Phoronidiens, les Bryozoaires, les Brachiopodes sont considérés comme étant des protostomiens. Pendant leur embryogenèse, au stade postgastruléen lors de la fermeture, par pincement, du blastopore, la commissure antérieure de celui-ci subsiste pour former la bouche, alors que l’anus est souvent une néoformation. En revanche, les Ptérobranches, Entéropneustes et Balanoglosses, les Échinodermes sont dits deutérostomiens parce que le blastopore donne l’emplacement ou l’ébauche de l’anus, alors que la bouche est secondaire. C’est accorder, il est vrai, une bien grande signification morphogénétique et phylogénétique à des processus embryogénétiques de gastrulation dont on sait cependant la variabilité, la diversité dans tout le règne animal. De plus, bon nombre d’animaux rangés dans les Protostomiens n’ont, après la gastrula, ni bouche ni anus et doivent les acquérir plus tardivement. On sait aussi que la deutérostomie se présente sous divers aspects. Elle se réalise très différemment chez les Ptérobranches, les Balanoglosses, les Échinodermes, d’une part, et chez les Cordés (Procordés-Vertébrés), d’autre part. On ne peut donc, par rapport à cette deutérostomie, rapprocher les premiers des seconds, ce que l’on fait parfois inconsidérément, comme si une similitude quelconque pouvait exister entre le plan d’organisation d’un Amphioxus et celui du Balanoglossus , comme si la larve tornaria du Balanoglosse ou l’auricularia de l’étoile de mer présentaient le moindre indice d’homologie avec la neurula , stade postgastruléen si caractéristique, qui démontre à lui seul l’unicité des Cordés. Les Ptérobranches et Entéropneustes doivent donc être dégagés de la filiation des Cordés; ils y sont totalement étrangers malgré les appellations équivoques d’Hémicordés, de Stomocordés qu’on leur attribue.

2. Unité de l’ensemble des Lophophoriens Deutérostoniens

L’ensemble des Ptérobranches, Balanoglosses, Échinodermes forme une réelle unité. Ces groupes sont phylogénétiquement apparentés, car il s’agit de Lophophoriens cœlomates dont le cœlome formé par entérocœlie comporte trois paires de cavités symétriques (fig. 1). La première, représentée par une seule cavité médiane antérieure, est le procœle; le mésocœle est constitué par une seconde paire de cavités lophophorales, la troisième paire forme le métacœle. Le procœle et le mésocœle lophophoral présentent une communication avec l’extérieur et l’eau de mer y pénètre. Les Ptérobranches, les Balanoglosses, les Échinodermes, Lophophoriens à trimérie cœlomique, sont donc des Hydrocœliens, terme par lequel Auguste Lameere réunit ces trois types d’organisation.

3. Diversité des Lophophoriens Prostomiens

Les Kamptozoaires, les Phoronidiens, les Bryozoaires, les Brachiopodes (auxquels on rattache les Chétognathes), au contraire, ne peuvent être rapprochés aussi aisément: les Lophophoriens Prostomiens sont bâtis selon des plans d’organisation différents.

Kamptozoaires

Les Kamptozoaires ont une larve trochosphérienne qui les rattache aux Polychètes annélides. Ils en dérivent par néoténie. Après la fixation de la larve, au cours de leur métamorphose qui consiste essentiellement en une rotation de 1800, ils conservent toute l’organisation larvaire y compris les deux protonéphridies, en la complétant toutefois par un lophophore dont la structure et le développement sont très différents de ce que l’on en connaît chez la Phoronis et les Bryozoaires. Gonochoriques, les Kamptozoaires acquièrent des organes génitaux que ne possèdent ni la Phoronis ni les Bryozoaires. Enfin, ils se distinguent des Bryozoaires non seulement par leur organisation, leur embryogenèse, mais aussi par leur bourgeonnement et par leur comportement.

Phoronidiens

Les Phoronidiens sont des Lophophoriens cœlomates, comme le sont les Ptérobranches. Ils sont tubicoles, sédentaires, solitaires ou groupés en associations plus ou moins denses sur des pierres ou des coquilles. Leur larve, l’actinotroque, a aussi la structure trochosphérienne. Au cours de son embryogenèse et aux dépens de l’endoblaste, se différencient des cœloblastes qui se regroupent pour délimiter les feuillets pariétopleural et splanchnopleural du cœlome. Celui-ci est réparti en deux segments, une cavité métacœlienne postérieure, une cavité mésocœlienne antérieure, l’une et l’autre séparées par un septum oblique, assimilable à un dissépiment (fig. 2 a).

La larve présente cependant trois régions, un épistome, une région moyenne correspondant au lophophore larvaire (paratroque tentaculé) et le corps de la larve. L’ectoderme ventral de la larve forme une invagination qui devient un tube interne. Lors de la fixation, le tube interne s’évagine comme l’inflexion postérieure de l’endolarve du Polychète Polygordius et, comme celle-ci, devient le métasome tubuleux vermiforme de la Phoronis adulte. Dans ce métasome évaginé, le tube digestif larvaire s’infléchit en une anse que le métacœle enveloppe en formant un mésentère ventral auquel s’ajouteront plus tard un mésentère dorsal et des mésentères latéraux. Le mésocœle devient le cœlome lophophoral, qui se prolonge dans les tentacules lophophoraux de l’adulte et se continue aussi dans la lèvre épistomiale de néo-formation, l’épistome larvaire s’étant histolysé.

Il y a donc trois régions cœlomiques: un procœle épistomial, un mésocœle lophophoral, un métacœle métasomial; dans ce dernier s’ouvrent les néphrostomes de la paire de métanéphridies. La Phoronis offre donc une trimérie, imparfaite il est vrai, mais qui rappelle celle des Hydrocœliens, avec cette particularité qu’elle est en fait une dimérie réelle et que les cavités cœlomiques des deux segments ne se présentent pas par paires symétriques mais en une cavité unique dans les deux régions; enfin, elles naissent au cours d’une sorte de schizocœlie, alors que le cœlome est d’origine entérocœlienne chez les Hydrocœliens.

Bryozoaires ou Polyzoaires

Les Bryozoaires sont des Lophophoriens cœlomates microscopiques et coloniaux. Ils ont incontestablement des affinités avec les Phoronidiens, mais le zoïde ou zoécie des Bryozoaires n’a qu’une seule cavité cœlomique sans mésentère. Elle s’étend dans le corps autour de l’anse digestive; elle forme la cavité lophophorale et se prolonge dans les tentacules du lophophore. Il n’y a plus d’appareil circulatoire, il n’y a pas de néphridies.

La similitude que l’on pourrait discerner entre Phoronidiens et Bryozoaires, en dépit des réductions considérables dont ces derniers sont atteints, ne peut faire oublier cependant les particularités d’organisation propres exclusivement aux Bryozoaires. Le zoïde est, en réalité, constitué par deux éléments: le cystide et le polypide. Le cystide est une logette close de toutes parts, à paroi rigide, ecto-mésodermique. Il est l’élément fondamental; né de la larve, il est l’ancestrula ; le bourgeon est un cystide. C’est ce même cystide qui édifie, à partir de sa paroi frontale, les organes dont la zoécie a besoin: le polypide, avec l’anse digestive surmontée du lophophore et le système nerveux. Le polypide peut s’évaginer hors du cystide pour permettre au lophophore de s’épanouir à l’extérieur. À la moindre alerte, il s’y rétracte. Ce comportement implique la différenciation d’une musculature remarquable et exclusivement propre aux Bryozoaires.

L’ajustement du cystide et du polypide lophophorien, la faculté de bourgeonner et de constituer des colonies et, depuis l’époque primaire, leur prodigieuse différenciation systématique confèrent aux Bryozoaires une grande originalité et les séparent des Phoronidiens en un embranchement bien distinct.

Brachiopodes

Les Brachiopodes se rapprochent également des Phoronidiens par leur structure générale. Sédentaire, enfoncé dans la vase par un pédoncule ou fixé aux pierres du fond des mers, le Brachiopode, enveloppé par ses deux valves coquillières, a une symétrie bilatérale et porte autour de la bouche un lophophore. Comme la Phoronis, le Brachiopode possède un appareil circulatoire, mais ouvert, et représenté surtout par le vaisseau dorsal dilaté en une vésicule pulsatile cardiaque, au niveau de l’estomac. Le lophophore forme une couronne simple autour de la bouche surmontée d’une lèvre épistomiale. Mais ce lophophore a un tracé souvent lobé. Deux de ces lobes peuvent se développer dorsalement derrière la bouche, comme les deux lobes du lophophore de la Phoronis et du Bryozoaire phylactolémate. Chaque lobe comprend deux rangées de tentacules, l’une externe, l’autre interne. Les deux rangées internes, gauche et droite, se rejoignent dorsalement derrière la bouche. Mais souvent, dans le lophophore spirilophophoré de bon nombre d’espèces testicardines, les rangées dorsales internes restent libres et s’allongent en spirales. Ainsi, le lophophore du Brachiopode initialement comparable à celui des Phoronidiens et des Bryozoaires a ses particularités propres, parmi lesquelles il faut encore signaler les replis internes ciliés, qui longent les bras sur leur face interne, à la base des tentacules, et qui aboutissent aux deux commissures buccales.

Comme la Phoronis, le Brachiopode possède un cœlome, mais il est constitué d’une paire de cavités cœlomiques symétriques, que séparent un mésentère dorsal et un mésentère ventral. Ces deux cavités se disposent en un métacœle et un mésocœle, comme chez la Phoronis, mais non séparés par un dissépiment. Le mésocœle s’étendant dans les bras lophophoraux y constitue une cavité lophophorale subdivisée en deux canaux. La communication subsiste entre le mésocœle lophophoral et le métacœle, bien qu’ils soient ici nettement démarqués et, dans certaines espèces, séparés secondairement.

Il faut signaler encore que ces deux cavités cœlomiques du Brachiopode se forment à gauche et à droite de l’entéron larvaire, soit par schizocœlie (Lingula ), soit par entérocœlie (Térébratulines). Or, dans le grand groupe des Brachiopodes articulés, l’œuf se développe dans une poche incubatrice et donne naissance à une larve pélagique remarquable, car elle présente trois segments: un épistome cilié, en chapeau, ayant un organe syncipital et pourvu de quatre taches oculaires (les cils du bord sont les éléments locomoteurs); un segment moyen, qui correspond au corps du Brachiopode où se développeront les organes et qui émet les deux replis palléaux, l’un ventral, l’autre dorsal; enfin, un dernier segment, destiné à devenir le pédoncule. Le cœlome de cette larve se forme par entérocœlie selon diverses modalités et s’étend aux trois régions (fig. 2 b). Si l’épistome s’histolyse, se réduit à la lèvre épistomiale, il n’en est pas moins vrai que la larve du Brachiopode a présenté d’abord une trimérie de l’unique paire de cavités cœlomiques.

Ainsi les Brachiopodes à l’état larvaire ne sont pas sans rappeler la trimérie des Hydrocœliens. Comme chez ceux-ci, le cœlome se forme souvent par entérocœlie, et occupe les régions épistomiale, lophophorale et métasomiale.

En conclusion, sont lophophoriens des animaux très disparates en leur aspect, leur structure particulière, leur comportement. Ils ont en commun des éléments fondamentaux d’organisation qui découlent d’une larve trochosphérienne. Mais des particularités importantes et essentielles permettent de distinguer plusieurs groupes qui, dans l’état de nos connaissances, paraissent constituer autant d’embranchements distincts: le caractère lophophorien ne suffit pas à établir entre eux un rapport phylétique direct. Kamptozoaires, Phoronidiens, Bryozoaires, Brachiopodes, Hydrocœliens (Entéropneustes et Ptérobranches [ou Stomocordés] et Échinodermes) constituent des phylums qui buissonnent indépendamment d’origines proches, situées au niveau des Annélides marins. Pour reprendre l’excellente expression que leur réservaient Y. Delage et E. Hérouard, ce sont des «Vermidiens»: cœlomates, dérosomes, lophophoriens.

lophophoriens
n. m. pl. ZOOL Embranchement d'animaux munis d'un lophophore buccal. Les brachiopodes sont des lophophoriens.
Sing. Un lophophorien.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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